Le 24 juillet 1943, Mussolini est mis en minorité par le Grand Conseil du fascisme, il est alors destitué et arrêté sur ordre du roi Victor-Emmanuel III. Le 8 septembre par l’armistice de Cassibile l’Italie cesse de combattre les Alliés et, changeant de camp, déclare la guerre à l’Allemagne le 13 octobre. Entre temps, les parachutistes de Skorzeny ont libéré le Duce le 12 septembre et la République sociale italienne a été fondée le 23 du même mois. Débute alors une guerre civile sanglante qui va opposer dans le Nord du pays (le Sud étant occupé par les armées anglo-américaines) fascistes et partisans communistes.
De ce fait, au lendemain de la défaite des forces de l’Axe, la situation est bien différente en Italie qu’en Allemagne. Tout d’abord, il n’y a pas à l’encontre des dignitaires fascistes de procès comparable à celui de Nuremberg, mais par contre l’épuration sauvage menée par les partisans est particulièrement sanglante et fait plus de 40 000 victimes. Ensuite, très rapidement, apparaissent des organisations néo-fascistes, qui mènent parfois un combat armé, qui fusionnent dès le 26 décembre 1946 pour fonder le Mouvement social italien.
Une épuration qui n’en finit pas
Bien qu’ayant été adoptée à l’initiative de Palmiro Togliatti, le ministre communiste de la Justice, la loi d’amnistie du 22 juin 1946, fut très mal accueillie par les militants du Parti communiste italien et par les anciens partisans staliniens du Nord de l’Italie.
Ainsi, des groupes autonomes de « justiciers » se constituèrent-ils pour continuer le travail entrepris dès 1945. Deux zones furent particulièrement touchées.
Dans leur livre Il triangolo della morte Giorgio et Paolo Pisano égrènent les noms des 4 500 victimes de la frénésie de « justice » des anciens partisans communistes dans le triangle formé par les villes de Bologne, Ferrare et Modène entre 1945 et 1948. Toutes ces victimes ne furent d’ailleurs pas que des partisans de la République de Salo et nombre de prêtres et de démocrates-chrétiens figurent dans le martyrologe, car les assassinats suivaient une incontestable logique : éliminer tous ceux, qu’ils soient fascistes ou modérés, pouvant s’opposer à une prise de pouvoir par les marxistes. Il fallut attendre le printemps 1948 et la sortie du gouvernement des communistes pour que la justice s’intéresse à ces meurtres et condamne quelques-uns des assassins.
Dans la région de Milan, les assassinats qui durèrent de 1945 à 1949, ciblèrent uniquement des fascistes. Ils furent l’œuvre de la Volante Rossa (Groupe d’intervention rapide rouge). Dans un premier temps ses membres s’en prirent à d’anciens partisans de la République de Salo, puis le temps passant ils s’attaquèrent à des membres des mouvements néo-fascistes qui apparaissaient – Parti fasciste démocratique, Équipe d’action Mussolini, Mouvement social italien – et aux journalistes du quotidien de droite local le Meridiano d’Italia.
En 1949, l’arrestation de 27 membres de la Volante Rossa mit fin à ses activités. Le Parti communiste italien désavoua l’organisation. S’il fit le nécessaire pour que ses dirigeants puissent fuir et se réfugier en Tchécoslovaquie, il abandonna les militants de base à leur sort et ils furent lourdement condamnés (4 d’entre eux ayant été condamnés à la prison à vie ne furent libérés qu’au tout début des années 1970).
Le néofascisme clandestin
C’est en octobre 1945 que fut fondée à Milan, par Domenico Leccisi, un ancien cadre des syndicats fascistes seulement âgé de 25 ans, la première organisation néo-fasciste : le Parti fasciste démocratique. Celui-ci publia rapidement le périodique Lotta fascista. Sa méthode d’impression était pour le moins virile : un commando armé investissait une imprimerie et exigeait, sous la menace, que les employés le publient. La distribution se faisait ensuite par des boîtages clandestins. Le parti se fit mondialement connaître le 23 avril 1946 en exhumant la dépouille du Duce et en gardant quelques temps son cercueil dans la clandestinité. L’impossibilité pour ses membres d’apparaître au grand jour fit que le PFD se spécialisa dans les actions d’agit-prop clandestine comme l’incendie de cinémas passant le film Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini, ou la prise de contrôle, durant quelques instants, de studios radiophoniques pour faire passer sur les ondes Giovinezza, l’hymne du Parti national fasciste.
À Rome, où s’étaient réfugiés dans la clandestinité des hiérarques du régime qui avaient échappé aux arrestations et à la répression, une même stratégie d’agit-prop fut rapidement adoptée : le 28 octobre 1945, pour l’anniversaire de la marche sur Rome, un gigantesque drapeau noir orné d’un faisceau fut soudain déployé sur la façade d’un immeuble d’une des artères les plus passantes de la capitale ; le 28 avril 1946, pour le premier anniversaire de l’assassinat du Duce, un commando armé s’empara des studios de la radio Roma et obligea ses employés à diffuser sur leurs ondes le chant Giovinezza.
Divers groupuscules apparurent ensuite – comme les Volontaires de l’honneur national, le Mouvement italien du renouveau fasciste, le Parti monarchiste fasciste, etc. – et des organes de presse diffusés publiquement furent créés (en juillet 1946 Rosso e Negro et en août de la même année l’hebdomadaire Rataplan).
Dans le même temps, d’autres fascistes choisirent de tenter de prendre le contrôle de partis légaux en y adhérant en masse. C’est ce qui se produisit avec le Parti national de la jeune Italie-Parti national républicain et avec la fédération romaine du Front de l’homme ordinaire, mais ces opérations firent long feu et ne débouchèrent sur rien de sérieux.
La province n’était pas absente de ce bourgeonnement, à Catane vit le jour le Mouvement fasciste républicain, tandis qu’à Bari était créé, en juillet 1946, un Parti national fusionniste (même initiale que le Parti national fasciste…) qui connut un important succès dans l’Italie du Sud où il s’implanta dans de nombreuses villes et où il recruta de nombreux étudiants.
Les Faisceaux d’action révolutionnaire
À l’automne 1946, Pino Romualdi, ex-vice-secrétaire général du Parti fasciste républicain, fit jouer son influence pour fusionner la majorité des groupes néofascistes clandestins sous le nom de Faisceaux d’action révolutionnaire. La nouvelle organisation de dota rapidement de trois journaux (Mussolini, Credere et Rivoluzione) et se fit remarquer par un nombre important d’attentats à la bombe contre les sièges des partis de gauche ou les domiciles d’homme politiques.
En juillet 1947, une partie de la direction des FAR fit scission pour rejoindre le Mouvement social italien et la politique traditionnelle. Les militants qui refusèrent ce choix continuèrent leurs actions violentes, qu’ils élargirent aux ambassades et consulats de la Yougoslavie jusqu’en 1950.
Ayant abandonné en grande partie les références à la République de Salo, les membres des Faisceaux d’action révolutionnaire se revendiquaient maintenant du traditionalisme de Julius Evola et publiait en conséquence un nouvel organe : Imperium.
En mai 1951, trente-six personnes, dont Julius Evola, furent arrêtées ce qui mit un terme à cette tentative de terrorisme néo-fasciste qui ne réussit jamais à mettre en péril le système politique italien.
Le néo-fascisme électoral
Fin renard, Pino Romualdi avait joué sur deux tableaux. Tout en réunissant les groupes les plus radicaux pour fonder les FAR, il avait, avec Giorgio Almirante, regroupé des organisations plus modérées (Front des Italiens, Mouvement italien d’unité sociale, Front du travail) pour fonder le Mouvement social italien le 26 décembre 1946. Déclarant officiellement ne vouloir « ni renier, ni restaurer », le nouveau parti par son nom et son insigne indiquaient clairement son hérédité idéologique : référence à la République sociale pour le nom mais aussi directement au Duce via le sigle MSI signifiant, pour les initiés, « Mussolini sempre immortale » (Mussolini toujours immortel) et l’insigne représentant, symboliquement, le cercueil de Mussolini d’où jaillit une flamme aux couleurs nationales.
Dès septembre 1947, le MSI eut ses premiers élus à Rome à l’occasion des municipales. En avril 1948, les élections générales lui donnaient 2.01% aux législatives et six députés et 0.89% au sénat et un unique sénateur.
C’est à cette époque, qu’apparut, au sein du MSI, le débat récurrent qui allait entrainer sa disparition près de cinquante ans plus tard : le parti doit-il être une force visant à subvertir le Système ou doit-il s’allier avec d’autres partis de droite pour tenter d’en prendre le contrôle ? Avec l’élection d’Augusto De Marsanich c’est la seconde option qui sera d’abord choisie et il faudra attendre 1969 avec l’élection de Giorgio Almirante au secrétariat-général et surtout 1990 avec celle de Pino Rauti à ce poste pour que le MSI renoue avec l’esprit révolutionnaire. Puis viendra Gianfranco Fini et le MSI deviendra l’Alliance nationale, un parti de … centre-droit !
Article rédigé pour Réfléchir et agir en avril 2019.