Le 7 janvier dernier, la presse européenne a compté jusqu’à 10 000 « fascistes » venus rendre hommage dans les rues de Rome aux victimes des assassinats d’Acca Larenzia, rares ont été cependant, même parmi les nôtres, les journalistes à rappeler que ce tragique événement de 1978 avait été l’élément déclenchant d’un mouvement spontanéiste armé antimarxistes et antisystème.
Les années 1970, une période noire
Les années 1970, furent une période sombre et tout à fait particulière pour l’opposition nationale extraparlementaire italienne.
En 1969, Ordine Nuovo, le plus gros groupe radical, alors dirigé par Pino Rauti, décida de se dissoudre et de rejoindre le Movimento Sociale Italiano au sein duquel il constitua une tendance nationale-révolutionnaire. Au début de l’année 1972, le MSI s’allia à la droite monarchiste et les résultats furent au rendez-vous puisqu’il doubla ses voix. Même si les résultats restèrent faibles (8,7% à la chambre et 56 députés, 9,2% au sénat et 26 sénateurs), même s’ils décrurent fortement aux élections suivantes de 1976 et 1979, ils suscitèrent un regain de l’antifascisme militant de l’extrême-gauche et de très nombreux assassinats de « fascistes » (16 entre 1970 et 1976).
Dans le même temps, des juges, structurés au sein d’un syndicat d’obédience marxiste, la Magistratura Democratica, et invoquant la loi Scelba visant à réprimer toute reconstitution du Parti national fasciste, entreprirent de poursuivre le Movimento Politico Ordine Nuovo (constitué de militants ayant refusé de suivre Rauti au MSI) et Avanguardia Nazionale. Ces mouvements furent interdits en 1973 et 1976 et leurs dirigeants et cadres durent s’exiler pour échapper à de longues années de prison.
En parallèle à tout ceci, des attentats (piazza Fontana en 1969, Italicus en 1974, Brescia en 1974, Bologne en 1980) selon toute vraisemblance œuvre de réseaux liés à l’État profond, furent attribués aux nationalistes radicaux et entrainèrent une répression aussi féroce qu’injustifiée.
Lutter contre le système ou contre les marxistes ?
L’impossibilité de mener une action politique dans un cadre normal ainsi que, parfois, le légitime désir de venger ses morts, poussa alors une génération de militants dans la lutte armée.
La question « Qui est l’ennemi prioritaire : L’État ou les marxistes », divisa d’abord les organisations combattantes.
Celles issues du Movimento Politico Ordine Nuovo, comme le Fronte Unitario di Lotta al Sistema, le Fronte Nationale Rivoluzionario, le Movimento Rivoluzionario Popolare ou les Gruppi d’Azione Ordinovista, s’en prirent aux symboles matériels de l’États, en plastiquant nombre de ministères et sièges d’administration, ou à ses serviteurs (le juge Vittorio Occosorio qui avait dissout le MPON fut abattu le 10 juillet 1976).
Les Nuclei Armati Rivoluzionari, composés majoritairement d’ex-membres des mouvements de jeunesse du MSI, choisirent dans un premier temps la voie du talion et abattirent un certain nombre de militants et cadres d’extrême-gauche. Ainsi, symboliquement, leur première action armée, l’exécution en pleine rue d’activistes gauchistes, eut lieu le 28 février 1978, vengeant à la fois les morts d’Acca Larenzia et marquant symboliquement le troisième anniversaire de l’assassinat par les rouges de l’étudiant nationaliste Miki Mantakas.
Les NAR, seuls contre tous
Les groupes armés nés du MPON ayant été réduits au silence, les Nuclei Armati Rivoluzionari restèrent seuls sur le front et, obligés à organiser des hold-up pour se financer et des casses d’armurerie pour s’armer, furent l’objet d’une répression implacable cause de nombreux morts dans leurs rangs. Cela, ainsi sans doute qu’une maturation politique de leurs membres, entraîna chez eux un retournement de stratégie et une nouvelle définition de l’ennemi : l’État et ses sbires.
En conséquence un certain nombre de représentants des forces de l’ordre furent abattus. L’opération la plus marquante fut l’exécution au fusil d’assaut dans son véhicule blindé du capitaine Straullu qui, au sein des services antiterroristes romain, était spécialisé dans la lutte contre l’extrême-droite. Mais c’était, bien sûr, la lutte du pot de terre contre le pot de fer, et les services italiens, en 1981 et 1982, arrêtèrent, un par un, les « terroristes noirs », tandis que leurs chefs tombaient les armes à la main tels Alessandro Alibrandi le ler décembre 1981 et Giorgio Vale le 5 mai 1982.
Une idéologie parfois confuse
La variation des NAR quant à la définition de l’ennemi n’est pas le seul marqueur d’une idéologie parfois confuse. On vit aussi certains de ses membres, réfugiés durant un temps au Liban, s’enthousiasmer pour les très réactionnaires Phalanges libanaises, considérer Gemayel comme « un des leurs » et admirer l’efficacité militaire des israéliens…
Tout ceci peut s’expliquer à la fois par le très jeune âge des militants des NAR qui prirent quasiment tous les armes alors qu’ils n’avaient pas même 20 ans et par leur origine politique (le MSI étant lui-même un parti idéologiquement fort confus).
À l’opposé de cela, les combattants de l’ombre issus du MPON, plus âgés en moyenne d’au moins 10 années, furent idéologiquement beaucoup plus clairs et structurés.
Que sont-ils devenus ?
Le 13 décembre 1984 débuta le procès de 57 membres des NAR alors emprisonnés, 53 furent condamnés à des peines de prison. D’autres procès ultérieurs aggravèrent parfois les peines. Aujourd’hui tous les condamnés sont soit libres soit bénéficient d’un aménagement de peine, y compris les dirigeants des NAR les plus lourdement sanctionnés : Luigi Ciavardini, condamné à 53 ans de prison, est en semi-liberté depuis 2009 ; Valerio Fioravanti, condamné à 134 ans de prison, fut mis en semi-liberté après 18 ans de détention en 1999, il est totalement libre depuis 2009 ; Francesca Mambro, condamnée à 84 ans de prison, est en liberté conditionnelle depuis 2013.
Tout ça pour ça…
Les combattants des Nuclei Armati Rivoluzionari, comme ceux du Fronte Unitario di Lotta al Sistema, du Fronte Nationale Rivoluzionario, du Movimento Rivoluzionario Popolare ou des Gruppi d’Azione Ordinovista, méritent notre admiration et notre respect. On ne peut cependant s’empêcher de se dire « Tout ça pour ça… », c’est-à-dire pour, en définitive, rien ! Rien, en terme d’impact politique, pas plus, mais pas moins, que leurs frères ennemis des Brigate Rosse, de Prima Linea ou des Proletari armati per il comunismo… La lutte armée fut un rêve qui ne se concrétisa pas dans une révolution que celle-ci soit nationaliste ou communiste.
Article rédigé pour Réfléchir et agir en avril 2018.