Les origines sémitiques du White Nationalism

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Tendance ultra-minoritaire, voire folklorique, de la mouvance nationale française, le nationalisme blanc y apparait comme un phénomène hors-sol, issu marginalement d’une évolution tardive d’un courant tirant son origine de l’occidentalisme d’Europe Action et majoritairement de l’importation en France des thèses de « nationalistes blancs » yankees ou britanniques comme William Luther Pierce, Greg Johnson, Artur Kemp, Samuel Jared Taylor ou Richard Bertrand Spencer.

Le point commun de tous ces auteurs est qu’ils sont anglo-saxons et il n’est pas nécessaire d’étudier bien profondément leur pensée pour se rendre compte que leur nationalisme blanc est avant tout un nationalisme des blancs anglo-saxons et nordiques, dans lequel les peuples latins et slaves n’ont nulle place. Ceci est logique quand on dresse la généalogie de ce courant qui est issu d’un sionisme non-juif né au sein du protestantisme britannique : l’anglo-israélisme.

Pour comprendre ce curieux mouvement religieux, né en Grande-Bretagne au XIXe siècle, il vaut se souvenir que, dans la Bible, le Deuxième livre des Rois, relate qu’au VIIIe siècle avant notre ère les dix tribus constituant la population juive du royaume de Samarie furent déportées par les Assyriens vers d’autres régions de leur empire et disparurent ensuite mystérieusement. Dès l’Antiquité, cette disparition suscita de nombreuses hypothèses. Si la plus simple et la plus vraisemblable était l’assimilation des déportés par les populations locales, l’idée selon laquelle les dix tribus perdues avaient pu trouver refuge dans des régions reculées du monde fut cependant avancée par beaucoup d’auteurs.

Parmi ceux-ci, plusieurs Anglais dont Richard Brothers dans A Revealed Knowledge of the Prophesies and Times en 1794, John Wilson dans Our Israelitish Origins en 1840, Edward Hine dans The British Nation identified with Lost Israel en 1871, John Cox Gawler dans Our Scythian Ancestors en 1875, John Pym Yeatman dans The Shemetic Origin of the Nations of Western Europe en 1879 et l’américain Ernest Ingersoll dans Lost Israel Found in the Anglo-Saxon Race en 1886, défendirent l’idée que ces dix tribus s’étaient réfugiées dans les îles Britanniques, qu’en conséquence les Anglo-Saxons descendaient en ligne directe des juifs antiques (l’étymologie véritable de Saxon étant selon eux Isaacson soit fils d’Isaac !) et que le roi David biblique était lui-même l’ancêtre originel de la famille royale britannique.

De là naquirent, à la fin du XIXe siècle, divers groupes dont le British Israelite Movement, la British-Israel Identity Corporation et l’Anglo-Israel Association qui essaimèrent rapidement dans les Dominions britanniques et aux États-Unis où Edward Hine implanta l’anglo-israélisme.

En 1919, une British-Israel-World Federation fut fondée pour unifier tous les groupes anglo-israéliens et, en 1928, une Anglo-Saxon Federation of America rassembla les tenants de cette thèse vivant aux États-Unis. Rapidement, cependant, un schisme fit éclater l’unité de l’anglo-israélisme autour de la question du judaïsme.

Jusqu’alors, bien que se considérant comme de véritables juifs les anglo-israélites n’estimaient pas être les seuls juifs existants au monde. Ils étaient philosémites, favorables au sionisme et ils entretenaient de bons rapports avec certaines institutions rabbiniques. Au contraire, sous l’influence des travaux d’Howard Rand, les anglo-israélites américains estimèrent que les juifs ne descendaient pas de la tribu de Juda, mais étaient issus des cananéens ou des édomites et donc qu’ils n’étaient pas véritablement juifs et qu’en conséquence les anglo-israélites, descendants des tribus perdues, étaient les seuls juifs authentiques…

Progressivement, la majorité des membres de l’Anglo-Saxon Federation of America, se rallièrent aux thèses de Rand. D’autres allèrent encore plus loin et virent dans les juifs historiques les descendants de Satan. Finalement, les uns et les autres abandonnèrent la dénomination anglo-israélite pour adopter celle d’identité chrétienne (Christian Identity).

À partir de la fin des années 1930, les pasteurs américains restés fidèles à l’anglo-israélisme et ceux s’étant ralliés à l’identité chrétienne entreprirent de grandes campagnes missionnaires basées sur l’utilisation des nouveaux moyens de communication de l’époque. Ainsi, l’anglo-israélite Herbert Armstrong fut un des tous premiers hommes d’église américains à évangéliser par la radio (puis par la télévision) à partir de 1934, tandis que l’identitaire chrétien Wesley Swift faisait des prêches radiophoniques quotidiens à partir du début des années 1950. Si en termes religieux le résultat de ces campagnes fut faible voire nul (l’anglo-israélisme et identité chrétienne rassemblant en commun moins de 10 000 fidèles actuellement aux États-Unis), il n’en fut pas de même en termes de subculture politique et le thème des blancs anglo-saxons comme étant le peuple élu fit son chemin dans les esprits des cadres et militants de la mouvance nationale yankee.

Ainsi, souvent, mais pas toujours, débarrassé de ses aspects les plus parodiques – par exemple la croyance que l’arche d’alliance aurait été dissimulé par les Hébreux en Irlande sous la colline de Tara ou que l’étude de la Pyramide de Khéops permettrait de décrypter l’histoire cachée des Anglo-Saxons – l’anglo-israélisme devint le White Nationalism tel que nous le connaissons. Quelque chose de très américain, dépourvu de véritables bases théoriques et historiques et d’une faiblesse conceptuelle absolue, un fast-food idéologique en quelque sorte aux antipodes des nationalismes petits ou grands nés sur le vieux continent.

Article rédigé pour Réfléchir et agir en février 2018.

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