Maurice Bardèche, présent !

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Dossier publié dans le n°6 de Résistance (1998) Dans le dernier numéro de Résistance ! nous  avons consacré quelques lignes, trop brèves, au décès de Maurice Bardèche. Nous revenons maintenant sur la mort de ce camarade d’importance avec deux témoignages. Le premier est de Paul Durand, ancien collaborateur de Défense de l’Occident, le second de l’écrivain bien connu Philippe Randa.

Souvenir sur Maurice Bardèche

C’était dans la deuxième moitié des années soixante-dix, dans le vingtième arrondissement de Paris, au numéro 13 de la rue des Montiboeufs. La Fane (Fédération d’Action nationale et Européenne), une organisation NS des plus dynamiques, et Défense de l’Occident, une revue mensuelle habituellement qualifiée de « néo-fasciste » et vendue en kiosque – une performance remarquable pour l’époque – occupaient des locaux voisins, dans les sous-sols d’un immeuble vétuste. La Fane était plutôt mieux lotie, car elle bénéficiait d’un peu de lumière naturelle, alors que le local de Défense de l’Occident était aveugle : c’était ni plus ni moins qu’une cave, dont l’aspect aurait certainement beaucoup étonné les lecteurs de la revue, lesquels dans leurs correspondances imaginaient naïvement des « bureaux ». Dans cette cave s’entassaient des trésors : des Défense de l’Occident, depuis les origines de la revue, dont quelques uns pourris par l’humidité ou rongés par les souris. Je me souviens m’être plu à récupérer – histoire de ne rien laisser perdre – deux exemplaires d’un même numéro vieux de dix-huit ans (en 1976), l’un fort endommagé par l’humidité sur sa moitié droite, l’autre sur sa moitié gauche, et d’avoir, en utilisant un cutter et du ruban adhésif, reconstitué un exemplaire tout à fait présentable, et en tout cas lisible, que je me suis empressé d’ajouter à ma collection. Les rapports très amicaux établis entre la Fane et Défense de l’Occident, et l’estime réciproque que se portaient le responsable de la première, Marc Fredriksen, et celui de la deuxième, Maurice Bardèche, avaient conduit ce dernier à insérer dans sa revue (c’était en 1977) des placards de propagande en faveur de l’organisation NS. Ces placards qualifiaient la Fane d’« organisation de lutte pour un socialisme européen ».

A l’époque, la Fane était très isolée au sein de ce que l’on pourrait appeler l’« extrême-droite socialiste », en raison de ses positions très en avance sur son temps et qui suscitèrent la convergence contre elle de haines tenaces développées tous azimuts et qui devaient conduire à sa dissolution en septembre 1980 dans un climat hystérique exceptionnel. La Fane était globalement favorable à la cause arabe en général et palestinienne en particulier, tout en étant parfaitement hostile à toute immigration allogène (les correspondants arabes de la Fane comprenaient parfaitement cette double position, parfaitement cohérente). La Fane était hostile au Pacte atlantique comme à l’invasion culturelle américaine, et renvoyait dos à dos Etats-Unis et Union Soviétique, la mise en accusation de cette dernière dans le seul but de glorifier les premiers n’étant en fait, pour elle, qu’un trompe-l’œil. La Fane était septique quant à la pérennisation de la France sous sa forme hexagonale, et se montrait idéalement favorable à la constitution d’une Europe unitaire (une seule monnaie), protégeant les cultures régionales. Enfin, la Fane se préoccupait activement de libérer l’Europe des séquelles de la seconde guerre mondiale et, se moquant des tabous de la propagnde anti-NS, développait des analyses tranquillement iconoclastes sur le Troisième Reich, ses hommes, sa politique et son idéologie. Cette longue digression sur les positions de la Fane, destinée à mieux resituer le climat politique de l’époque, nous permet d’apprécier dans toute sa mesure l’indépendance et la largeur de vues de Maurice Bardèche, qui n’hésita jamais à assurer de son soutien l’organisation NS, en rappelant toutefois à l’occasion qu’il n’en partageait pas pour autant toutes les analyses.

A la recherche de nouveaux collaborateurs désintéressés, sérieux et efficaces, Maurice Bardèche ne manqua pas de faire part de ses préoccupations à son ami Marc Fredriksen, qui me recommanda chaleureusement comme traducteur d’italien et bon connaisseur des réalités politiques transalpines. C’est ainsi que débuta ma collaboration à Défense de l’Occident. Maurice Bardèche me recevait dans son bureau, à son domicile du V° arrondissement de Paris, non loin de la rue Gay-Lussac et de la rue d’Ulm, si chargée de souvenirs. Le bureau était plutôt petit, assez poussiéreux, avec des livres, des dossiers et des papiers entassés partout. Le fauteuil proposé aux visiteurs (auxquels était quelquefois proposé un whisky) étant une ruine, il était préférable de s’asseoir sur son rebord si l’on ne voulait pas disparaître dans ses profondeurs incertaines. La discussion de travail était brève, Bardèche me remettait les revues (le plus souvent Intervento ou La Torre) dont il souhaitait voir un ou plusieurs articles traduits, et en demandait la restitution finale pour ses collections. En dehors des traductions de l’italien, mes contributions à la revue ont été rares. Tous les articles que j’ai pu proposer y ont été insérés, mais le temps dont je disposais était compté et le développement considérable des activités de la FANE dès 1979 me conduisit à décider d’interrompre à mon grand regret ma collaboration à une revue si prestigieuse. Quelques temps après mon départ, Maurice Bardèche me demanda de lui rendre un service amical que malheureusement je ne pus satisfaire, étant indisponible le jour considéré : il s’agissait de le représenter lors d’une assemblée de copropriétaires. Cette anecdote témoigne des rapports de confiance qui étaient les nôtres. Par la suite (en 1981), c’est par mon entremise qu’un éditeur italien (Barbarossa) obtint de lui la rédaction non rénumérée d’une préface inédite à un livre sur Robert Brasillach. Maurice Bardèche me fit cadeau du manuscrit autographe de cette préface, en témoignage de sa reconnaissance. Défense de l’Occident cessa de paraître à la fin de l’année 1982. Les occasions de nous rencontrer devenaient d’autant plus rares que Bardèche passait de plus en plus de temps à Canet-Plage, dans les Pyrénées-Orientales, où il avait une résidence. Nous ne nous revîmes plus.

Maurice Bardèche avait une personnalité très attachante, et c’était un réel plaisir de l’accompagner dans le cimetière du Père Lachaise, à guère plus d’une dizaine les années fastes, le dernier samedi de mai, pour déposer une gerbe de fleurs au Mur des fédérés – symbole de juste révolte populaire noyée dans le sang – où le Maître lui-même donnait le signal du salut romain. Marc Fredriksen était l’un des fidèles de ces cérémonies commémoratives, et Bardèche appréciait plus que tout la fidélité, lui qui toute sa vie fut habité par le souci et la volonté de réhabiliter Robert Brasillach, son beau-frère, fusillé pour ses écrits le 6 février 1945, et dont le souvenir n’a cessé depuis de hanter la littérature française.

Paul Durand

(ancien membre du Bureau Politique de la Fane)

Maurice Bardèche, le père spirituel de nombreux rebelles

Maurice Bardèche restera-t-il dans l’histoire comme le simple beau-frère de Robert Brasillach auquel il voua une touchante, fidèle et diabolisante amitié ? Ou sera-t-il reconnu comme un grand érudit de la littérature française ? Même le quotidien très gauchiste Libération – dans la colonne qu’il lui consacra le premier week-end d’août 1998 – n’a pu s’empêcher de reconnaître implicitement que ses ouvrages sur Balzac et Proust, tout comme son Histoire des femmes, sont des références obligées. Rappelant que son Proust et le roman lui valut en 1971 le prix de la critique littéraire.

J’ai rencontré Maurice Bardèche une seule fois, au début des années 90, dans son appartement parisien du V° arrondissement. Il était déjà physiquement très diminué et m’expliqua au cours de notre assez longue conversation qu’il était également atteint d’une maladie qui lui faisait perdre brusquement la mémoire durant des laps de temps plus ou moins longs.

Nous parlâmes longuement de sa revue mensuelle Défense de l’Occident. S’il m’avouât qu’il n’eut, au mieux, qu’un gros millier et demi d’abonnés, il reconnut qu’elle avait été le « phare intellectuel » de nombreuses personnes, rebelles au système politique mis en place en 1945, c’est à dire la domination communiste ou capitaliste du monde. Les signatures des collaborateurs sont à cet effet explicites. Il n’est que de citer (liste non exhaustive) les journalistes Lucien Rebatet (auteur du best-seller de la guerre Les Décombres), Jean Madiran (directeur du quotidien Présent), Robert Poulet, Michel Marmin (ancien rédacteur en chef d’Eléments), les professeurs Jean Varenne, Robert Faurisson, Thomas Molnar, Pascal Gauchon, les écrivains Michel Déon, Pierre Gripari, Fabrice Laroche, Micheline Peyrebonne (auteur des premiers articles sur les dangers de l’immigration), Eric Vatré, le colonel Trinquier, Henry Coston, les hommes politiques Giorgio Almirante (ancien secrétaire-général du Mouvement Social Italien), Alain Renault (ancien secrétaire-général du Front National), Pierre Pauty (cofondateur de Militant, conseiller municipal et régional du Front National), Alain Robert (ancien secrétaire-général du Parti des Forces Nouvelles, conseiller municipal et régional RPR), les éditeurs Jean Picollec et Georges Gondinet, les historiens François Duprat et Jean Mabire, etc.

Quant aux numéros spéciaux de Défense de l’Occident, ils bénéficièrent, entre autres, des collaborations de Jean Anouilh, Marcel Aymé, Jacques Benoist-Méchin, Georges Blond, Roland Laudenbach, Jacques Laurent, Henri Massis, Thierry Maulnier, Roger Nimier, Jacques Perret, Louis Rougier, Michel de Saint-Pierre, Paul Sérant.

De tels noms prestigieux laissent rêveur à une époque où un simple entretien donné à des journaux dénoncés comme « proche du Front National » suffit à vous attirer l’opprobe médiatique.

Lors de mon entretien avec Maurice Bardèche, deux réflexions de sa part m’ont particulièrement frappées. D’abord, sa certitude que « les choses changeraient inexorablement … et en bien ».

– Le « système » est le plus fort partout, constatait-il. Il tient les gouvernements, les médias ; il a l’argent, la considération, tout ! Sauf une chose : il ne peut maîtriser la crise sociale. Le chômage continuel et irréversible entraînera sa chute tôt ou tard.

Ensuite, notre conversation déboucha sur les événement en Italie où Silvio Berlusconi venait de former un gouvernement en incluant trois ministres du MSI, ce mouvement héritier de la République Sociale Italienne de Benito Mussolini et qui comptait parmi ses députés Alessandra Mussolini, la propre petite-fille du Duce.

– Je ne pensais pas qu’un jour, j’influencerais des gouvernements, me dit-il, songeur.

Et il m’expliqua :

– Gianfranco Fini est un des mes disciples ; c’est moi qui ai incité Giorgio Almirante à le désigner comme son dauphin.

Voilà qui peut donner à réfléchir à tous ceux qui voient dans la volonté du leader de l’Alliance Nationale (ex-MSI) de moderniser sa formation politique, une victoire du « politiquement correct ».

Philippe Randa.

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