Quand les Dieux entendent l’appel – Le potentiel conservateur-révolutionnaire du Black Metal

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1. Le Black Metal : une sous-culture ou une contre-culture ? Fondamentaux méthodolgiques.

Le Black Metal partage le destin de tous les phénomènes complexes et multi-facettes qui ont transcendé leurs simples identités de genre, et de la même manière que le philosophe de Hegel qui est « capable de saisir une ère via la pensée » sont toujours en avance sur leur temps soit en affirmant, ou en rejetant totalement les fondations spirituelles de l’époque dans laquelle ils vivent. Les deux possibilités requièrent la capacité de l’examiner de manière distante. En tant qu’incontestable produit de la modernité, le Black Metal, paradoxalement, délivre une condamnation à mort a l’intention du monde Moderne. Cette dernière concerne, mais pas uniquement, le christianisme contemporain : il est l’antithèse à tout ce qui est censé avoir la moindre valeur le représentant moyen de la société occidentale d’aujourd’hui : des notions conventionnelles de bien et de beau à l’être Métaphysique en lui-même. En d’autres termes, le Black Metal est, à première vue, l’incarnation même d’une phase active-nihiliste d’un processus métaphysique de transvaluation de toutes les valeurs annoncé par Friedrich Nietzsche. C’est la deuxième raison faisant que le Black Metal est surtout défini apophatiquement, pour ainsi dire, par la négation. J’ai déjà mentionné la première raison : malgré la description prévalente du Black Metal en tant que sous-culture, il est plus exact de le définir en tant que contre-culture, dont le but est de mettre intégralement fin à l’époque Moderne.

Beaucoup de sociologues seront en désaccord avec mon affirmation, car beaucoup d’entre eux partagent l’idée selon laquelle le christianisme antique fut la seule contre-culture ayant obtenu un pleine réussite au sein de l’histoire Européenne, qui a renversé les valeurs de l’ère précédente, alors que les adhérents du Black Metal, autant les créateurs du genre que les fans ordinaires, sont totalement intégrés au sein dus système social actuel, soutenant ses codes culturels et ne remettant jamais en question les axiomes fondamentalement nécessaire à sa survie. Comme les lecteurs attentifs d’Ernst Jünger le savent, pratiquement tout – même s’il est « subversif » ou « irrévérencieux » – peut être réincorporé au sein du système en tant que « manifestation de la liberté ». Conséquemment, le Black Metal ne peut être que considéré comme une sous-culture, exacerbée en de nombreuses et tristement célèbres parodies révélant le caractère infantile et donc primitif des auto-proclamés « vrais blackers » qui ne peuvent même pas faire face à leurs parents.

Indubitablement, ces observations ne sont pas infondées, et sont fondamentalement admises au sein du mouvement lui-même, qui a développé ses propres méthodes de régulation sociale dans le but d’expulser les soi-disant poseurs « untrue » de leur communauté, en d’autres termes, les suiveurs et les argentiers qui sont apparus après les scandaleux événements des débuts de l’histoire du Black Metal. Cependant, je tiens à souligner le fait que le présent exposé n’est pas sociologique, autrement, je me serais arrêtée juste après avoir affirmé que la scène Black Metal s’est déshonorée il y a longtemps, ce qui signifie qu’il n’y a aucune place pour la pensée magique. En d’autres termes, je ne disserterai pas de ce que le Black Metal est actuellement, mais de ce qu’il aurait dû être d’après les pionniers du mouvement Black Metal et de ceux qui sont resté fidèles à la tradition de ce dernier. Conséquemment, je considère la Verstehende Soziologie (sociologie interprétative) de Max Weber comme la seule méthode sociologique appropriée, cherchant à comprendre un phénomène culturel donné de l’intérieur, le décrit selon ses propres termes et opère à travers la notion d’idéal type. Cette dernière donne l’opportunité d’éviter les biais de la pensée positiviste et s’applique légitimement aux constructions mentales heuristiques dérivant des données empiriques dans le but d’analyser au mieux la réalité. Le plus célèbre exemple de cette idéal type est l’« éthique protestante » utilisée par Weber comme la solution ayant permis l’examen de l’émergence et de l’essence du capitalisme dans son célèbre ouvrage :, qui fournit une alternative fertile à l’explication populaire historico-matérialiste de Karl Marx. En conséquence, notre idéal type est appelé « L’art du Black Metal » ou plus simplement « Black Metal » .

En tant que telle, cette méthode est fort semblable à l’approche philosophico-herméneutique développé par Martin Heidegger et son disciple Hans-Geoprg Gadamer qui rejettent le terme même de « méthode » en tant que vestige naturel-scientifique au sein des Geisteswissenschaften (humanités). D’après l’interprétation philosophique de Heidegger focalisée sur le cocept classique de cercle herméneutique (pour comprendre le tout, nous devons en comprendre les parties et vice versa). L’idée n’est pas de trouver la sortie du cercle, mais d’y enter correctement, étant donné que le cercle est celui de notre existence. Plus simplement, nous (Dasein, en tant qu’Être-au-monde) comprenons toujours certains phénomènes de telle ou telle manière, faisant que notre seul devoir est d’expliquer nos assomptions, ou, selon Gadamer, notre « anticipation de la perfection »

Cette dernière chose est celle que je ferai dans cette étude, bien que je dois admettre que dans certains cas, nous avons affaire à des artistes de Black Metal faisant preuve d’un tel niveau d’auto-réflexion que le chercheur devient gracieusement un simple commentateur : voyez le premier DVD « Opus Diaboli », sortie en mai 2012 par le groupe suédois Watain pour constater la différence entre l’interprétation du chanteur de Watain, E., et celles données dans la plupart des documentaires traitant du Black Metal, interviews et enquêtes thématiques. Ces sources sont, en grande majorité, toujours très décevantes ou insuffisantes.

2. Esthétiques et métaphysiques contre idéologies et politique du Black Metal. Les principales orientations au sein du mouvement Black Metal

Depuis l’époque d’Aristote, il est évident que le plus court chemin vers l’essence d’une chose se trouve en sa définition. Mais, une fois encore, il existe surtout des définitions négatives du Black Metal. Elles peuvent refléter la grandeur et l’intensité du phénomène mais en disent peu à propos de son idée phare. Par exemple, l’importance historique et contre-culturelle de la précédente peut être aisément déduite des tentatives bien connues de clarifier l’essence du Black Meta, telles que : « ce n’est pas un autre genre musical », « ce n’est pas juste de la musique », « ce n’est pas du divertissement / business ». Un autre ensemble de définitions négatives dues à l’orientation nihiliste du Black Metal est aussi largment reconnu : on pense qu’il est anti-religieux, particulièrement anti-chrétien, antisocial, misanthrope, blasphémateur, etc. Aussi, tous les efforts intellectuels afin d’exprimer ce qu’est le Black Metal plutôt que ce qu’il n’est pas finissent généralement par faire appel à un certain spectre d’humeurs et émotions (« sombre », « mélancolique »), parfosi à certains concepts métaphoriques (« mal », « laideur », « guerre ») ou à l’esthétique du Black Metal, faisant partie de l’expression largement utilisée « L’art du Black Metal ». Cette expression, cependant, soulève des questions plus précises étant donné que le Black Metal est dépeint comme l’art pour l’art[1] seulement si le dernier signifie quelque chose comme l’Art Suprême, qui porte des connotations occultistes explicites, qui sont à l’exact opposé ce cette approche. Dans le cas inverse, chacun est libre de s’engager dans des débats interminables à propos des principe(s) de base de l’idéologie du Black Metal, qui sont principalement axés autour du satanisme.

En fonction de ce que chacun considère comme l’objet de la négation ou l’ennemi contre qui la guerre doit être menée (Black Metal ist Krieg), il existe différentes tendances idéologies au sein du mouvement Black Metal en général, qui causent régulièrement des désaccords profonds entre ses membres : le nihilisme radical et l’athéisme se trouvant derrière l’imagerie sataniste qui parfois se superpose au darwinisme social LaVeyen ; la trajectoire occultiste, qui est souvent liée avec la Voei de la Main Gauche ; le satanisme théiste (la religion de Deus/Diabolus Absconditus), se rapprochant du gnosticisme et d’enseignements similaires d’une part, et les cultes paiens archaïques, pouvant être liés au « luciférisme aryen » d’autre part ; des variations du paganisme, du panthéisme aux hymnes védiques , qui se sont principalement développés au sein de sous-genres tels que Le Folk Black Metal ou le Viking Black Metal, et même le chrétien « Unblack » Metal, sans compter d’autres groupes de Black Metal novateurs se concentrant sur leur propre « philosophie ». Naturellement, nous pouvons nous demander quelle voie est la plus représentative du mouvement ou, inversement, qui ne devrait en aucun cas y être associée car transcendant les limites de cet idéal type.

Une autre manière de combler le vide entre les définitions apophatiques implique de souligner le sentiment mystique voir religieux typique de la Weltanschauung du Black Metal, son « esprit » spécifique. Une référence à cette expérience théophanique sous-tendant une explication rationnelle, parmi d’autres, se trouve dans l’interview avec le groupe de Black Metal français Deathspell Omega : « Certains d’entre nous ont eu une éducation religieuse, bien sûr, et ceux-là sont évidemment passé par une phase initiale de dénégation générale, tandis que d’autres furent élevés sous le signe de la rationalité. Le fait que nous avons finalement tous expérimenté une théophanie destructrice est quelque chose qu’il est difficile d’expliquer en des termes rationnels. Il y a bien évidemment des arguments culturels, tous ceux qui sont passé par de longues études universitaire ont reçu des clés – et ce malgré le fait que la plupart des universités du monde occidental sont den réalité des place-fortes de l’égalitarisme humanitaire – et nous avons choisi den en pas ignorer ces clés, alors que la plupart des gens préfèrent rester en accord avec le Zeitgeist actuel. »1

De telles descriptions purement phénoménologiques auraient pu dissoudre les limites du genre, mais nous avons le sentiment que le Black Metal a sa partie positive qui le différencie sévèrement des genres apparentés, et peut être formulée très simplement ; c’est pourquoi, bien que seule la scène National Socialist Black Metal (NSBM) et ses très rares analogues de gauche sont célèbres pour leur engagements politiques directs, le Black Metal, en tant que mouvement contre-culturel avec de grandes ambitions mais au frontières vigilamment gardées représente le politique par excellence, le politique dans le sens de Carl Schmitt, du distinguo entre l’ami et l’ennemi, qui se traduit dans le degré ultime d’association et dissociation entre « nous » et « eux ».

Une approche hautement sélective à propos de l’adhésion potentielle à la communauté Black Metal est, bien sûr, plus éloquente qu’inhérente au sein de tout groupement esthétique authentique, mettant l’accent sur l’expression artistique et ayant horreur des clichés idéologiques rigides de l’extérieur, qu’ils soient politiques ou autres. Dans le même temps des groupes ukrainiens tels que Nokturnal Mortum, Kroda, Drudkh ou Hate Forest, qui aujourd’hui font partie d’une des scènes NSBM les plus encensées au monde, si ce n’es la plus, bien qu’ils puissent se présenter comme simplement patriotes et préoccupés par la sauvegarde de l’héritage traditionnel (un autre one-man band ukrainien encensé, Lutomysl, a été décrit dans une interview récente par Pavel “Lutomysl” Shishkovskiy, qui envie les gens « dont les seuls problèmes se résument à la présence de noirs et de juifs » comme NEONSDSBM2, peuvent difficilement être considérés comme de ceux qui auto-restreignent leurs modes d’expression afin de répondre à des nécessités idéologiques. Et par-dessus tout, ils doivent leur célébrité internationale à leurs chefs d’œuvre musicaux.

Au sens strict, le Black Metal en tant que guerre totale contre le Monde moderne ne peut être non plus exempt d’implication politiques, bien que la plupart des crimes des débuts du Black Metal furent commis pour des raisons personnelles et non politiques.3

De la même manière, l’on peut distinguer les tendances de gauches et celles de droite depuis la naissance même du Black Metal, représentées respectivement par le sataniste Øystein Aarseth “Euronymous” de Mayhem, sympathisant de l’extrémisme de gauche, et Varg Vikernes de Burzum, étudiant de l’ancienne religion du Nord, adhérant au paganisme et figure d’autorité au sein des cercles de l’extrême-droite contemporaine (parmi ses influences on retrouve Knut Hansum, Oswald Spengler et Julius Evola), qui s’est éloigné du satanisme et de la scène Black Metal elle-même après que les nouveaux arrivants ont commencé à exploiter les idées et esthétiques inventées par les pionniers à de simples fins provocatrices ou commerciales.

Rétrospectivement parlant, il n’est pas surprenant qu’Euronymous fut tué par Vikernes en 1993, année considérée comme « le début de la fin » suivie par la division et la commercialisation croissante de la scène (prenez en considération le morceau de Nargaroth « The Day Burzum Killed Mayhem »). D’un autre côté, je n‘irais pas jusqu’à dire qu’il y ait un conflit insoluble entre ces deux tendances, ou qu’il n’existe pas de position métaphysique qui les intègre à un niveau supérieur.

Bien sûr, il est possible de s’opposer au Monde Moderne et à son incarnation symbolique, le christianisme, autant à partir « de la gauche » que « de la droite ». De plus, même si la libération, le nihilisme, l’anti-cléricalisme (souvenez-vous des célèbres incendies d’églises norvégiennes), etc., sont généralement associés à la gauche, même si ces groupes qui se cantonnent à la Voie de la Main Gauche (tel le groupe de Black Metal polonais Behemoth) ne coïncident pas nécessairement avec la gauche politique, autant pour ce qui est de ses incarnations classiques que le phénomène plus récent qu’est le marxisme culturel. Souvent c’est l’inverse qui se produit, ou bien ils s’en vont au-delà de la politique. Cette ambivalence est aussi visible sur le plan esthétique : les symboles « de droite » comme l’Empire, le Roi, Dieu, ne sont pas moins populaires que ceux de « gauche » comme l’Itinérance, la Rébellion, etc. Benjamin Noys, qui s’est aussi intéressé à la question de la politique au sein du Black Metal, a utilisé, et ce n’est pas un hasard, les réponses de l’interview de Sale Famine du groupe français Peste Noire4 en tant qu’étude de cas. Famine, qui pense que le Black Metal de gauche est contradictio in adjecto, souligne que le caractère chtonien, et, en conséquence, nationaliste du Black Metal et glorifie le « Passé noir européen », affirmant la synthèse des deux très limpidement :« Le Black metal est la mémoire musicale de nos Aïeux sanguinaires et de sang, il est l’hymen de la Tradition et du vieux patrimoine racial avec le fanatisme »5

De même, Famine décrit son nationalisme comme fondamentalement double « temporel » et « spirituel » ce qui est lié avec le fait d’être un citoyen de France (« médiéval », « rural » et de l’Enfer (« Sieg Hell! »)6. Noys établit justement un parallèle entre cette focalisation sur l’aspect chtonien du Black Metal et l’ancrage tellurique du Partisan de Carl Schmitt. Enfin, sa recherche des racines de cette ambiguïté au sein de la philosophie de Friedrich Nietzsche est aussi tout à fait correcte. Le plus grand des nihilistes européens fut aussi le plus grand élitiste, aristocrate et traditionaliste qui attendait impatiemment le début du nouvel âge d’Or. C’est pourquoi Nietzsche se qualifiait comme le « premier nihiliste parfait de l’Europe, mais qui lui-même a déjà surmonté le nihilisme, l’ayant vécu dans son âme – le voyant derrière lui, au-dessous de lui, en dehors de lui »7

En outre, Nietzsche fut le plus grand esthète et styliste qui effaça la distinction entre forme et contenu, faisant en sorte que même les détails superficiels soient pertinents et significatifs du point de vue idéologique. Ce dernier met en lumière ce pourquoi l’expression l’« Art du Black Metal » a une signification infiniment plus profonde que, par exemple l’« Idéologie du Black Metal » ou la « Politique du Black Metal » et a le potentiel d’atteindre le plan métaphysique. À ce stade, la sollicitation de la Révolution Conservatice – un autre phénomène complexe qui a beaucoup en commun avec le Black Metal – devient inévitable.

3. L’invocation grandiose : La Révolution Conservatrice comme moyen de ramener les Dieux sur terre.

La Révolution Conservatrice et le Black Metal sont similaires pour au moins deux raisons. Tout d’abord, les deux possèdent une valeur contre-culturelle. La seule différence se trouve dans le fait que ce qui requiert une reconstruction supplémentaire pour le Black Metal appartient aux objectifs explicites de la théorie révolutionnaire-conservatrice, que l’on peut sans équivoque déduire de son nom, la Révolution Conservatrice, qui est un vaste mouvement idéologique qui s’est développé au XXe siècle, durant l’entre deux guerres en Allemagne, connu aussi sous le nom de « Troisième Position » ou « Troisième Voie » du à l’impossibilité de le rattacher autant à l’idéologie de la gauche qu’a celle de la droite. Certains de ses principaux membres ont déjà été mentionnés Arthur Moeller van den Bruck, Oswald Spengler, Edgar Julius Jung, Carl Schmitt, Ernst and Friedrich Georg Jünger, Julius Evola, Ernst Niekisch, Martin Heidegger, Armin Mohler et bien d’autres. L’objectif général du mouvement révolutionnaire-conservateur fut formulé par Hugo von Hofmannsthal dans son discours mythique donné devant les étudiants de Munich en 192 ; D’après lui, la Révolution Conservatrice est un phénomène jusque là inconnu dans l’histoire européenne visant à révoquer non seulement les Lumières, mais aussi la Renaissance et la Réforme, en d’autres termes, il vise à édifier un Nouveau Moyen-Âge.

Cette nécessité de la révolte contre le cours de l’histoire fut proclamée dans l’ouvrage de Julius Evola Révolte contre le Monde Moderne : Politique, Religion et Ordre social du Kali-Yuga qui dans une large mesure, en fut qu’une version radicalisée et politisée de l’œuvre majeure de René Guénon La crise du Monde Moderne, écrite par le fondateur du traditionalisme intégral, René Guénon, en 1927. Au chapitre, la Doctrine des quatre âges, Evola écrit : « Si l’homme moderne, jusqu’à il y a peu, avait conçu et exalté le sens de l’histoire qui lui est connue comme une évolution, l’homme traditionnel, lui, défendit une vérité opposée. On retrouve toujours, sous une forme ou sous une autre, dans tous les témoignages antiques de l’humanité traditionnelle, l’idée d’une régression, d’une chute : depuis des états supérieurs originels, les êtres seraient descendus jusqu’à des états de plus en plus conditionnés par l’élément humain, mortel et contingent. Un tel processus d’involution aurait commencé en des temps très reculés ; l’expression de l’Edda, ragna-rökkr, « obscurcissement des dieux », est celle qui le caractérise le mieux. Il ne s’agit pas d’un enseignement qui serait resté, dans le monde traditionnel, sous une forme vague et générique, mais d’un enseignement qui fut défini dans le cadre d’une doctrine organique, cette dernière étant attestée avec une grande constance : la doctrine des quatre âges. Un processus de décadence graduelle tout au long de quatre cycles ou « générations »8

Dans un ouvrage plus tardif, Les hommes au milieu des ruines, réflexions d’après-guerre d’un traditionaliste radical (1953), Evola définit la révolution conservatrice comme un « retour au point de départ », « à la source ». Évidemment, dans l’optique d’assurer ce grand bouleversement historique, il est nécessaire de s’appuyer sur les moyens du même monde moderne. Une telle considération donna naissance la plus courte des définitions du fascisme « René Guénon avec des division blindées » qui peut être trouvée au sein du « Matin des magiciens » écrit par Louis Pauwels et Jacques Bergier dans les années 1960. D’ailleurs, Thomas Mann, en 1921, dans son Antholgie russe, considérait la Révolution Conservatrice comme une projection du nietzschéisme compris comme une synthèse entre « conservatisme » et « révolution », « liberté » et « obligation », « foi » et « Lumières » et la comparaît avec l’idée messianique russe comme de phénomènes totalement différents, cependant unis par leu commune « nature religieuse, religieuse dans un sens vital nouveau promis à un grand avenir ».

C’est pourquoi, la deuxième caractéristique du Black Metal et de la Révolution Conservatrice se trouve au sein du fait qu’ils ne sont pas seulement anti- et contra- mais aussi meta-phénomènes, qui rejettent l’étroitesse d’esprit et les identités politiques au profit de but supérieurs. La Révolution Conservatrice s’es toujours positionnée comme un mouvement métapolitique, et pour reprendre les termes d’Ernst Jünger, une « révolution absolue », qui détruit la tradition entant que forme, mais réalise sa signification. Il s’agit de ce que l’on appelle l’approche « métahistorique » et dynamique » de la Tradition avec un grand T, qui fut présentée par Julius Evola comme une capacité à sacrifier la forme au nom de principes. En outre, une autre similitude entre le Back Métal et la Révolution Conservatrice est que les deux idéals types sont dépeints comme un « style » particulier et identifiable, tel le phénomène esthétique suprême.

La fusion des élément politiques et esthétiques au sein du mouvement révolutionnaire-conservateur, qui du remarquée avec désapprobation par les gauchistes continuellement apeurés par « l’irrationalité », Walter Benjamin en particulier, ne fut pas initiée à des fins simplement décoratives. À savoir, l’esthétique était conçue comme devant être cette clé magique adaptée à un « ré-enchantement » du monde et à la réintégration des champs indépendants et déconnectés du politique, science, religion, éthique, et une fois encore, esthétique, qui on remplacé l’univers médiéval hiérarchique subordonné à un principe transcendantal. Cependant, dans leur majorité, les révolutionnaires-conservateurs ne parlent pas de Dieu, mais des dieux ; la métaphore habituellement entendue, telle « le retour des dieux » ou « le retour du sacré », signifiant la re-mythologisation du monde, qui fut particulièrement attendue par Nietzsche, Jünger et Heidegger.

« Une simple » attente de la re-sacralisation du monde, néanmoins, n’est pas la règle et corresponde seulement avec la phase actuelle de transvaluation de toutes les valeurs. Cette phase fut précédée par la période nihiliste-active de la domination titanique, le règne de Prométhée, qui symbolise les pouvoirs élémentaires de la technique. D’après les observations qu’Ernst Jünger fit dans son essai « Sur la Douleur » (1934), nous vivons dans un mode où les nouveaux ordres ont fui en avant, mais où les nouvelles valeurs ne sont pas encore visibles :« Nous en tirons la conclusion que nous nous trouvons dans une phase ultime et très remarquable du nihilisme, qui se distingue en ceci qu’un nouvel ordre s’est déjà largement implanté sans que les valeurs correspondant à cet ordre soient encore devenues visibles »9

Cela signifie que l’Übermensch, « als Sieger über Gott und das Nichts », le Surhomme en tant que vainqueur de dieu (l’ancien ordre déchu) et le Néant prenant la place du précédent, entre dans la hase finale du combat avec le Néant lui-même. À ce stade, Jünger comme Evola ont développé le concept d’apoliteia, d’anarchisme de droite et de l’homme différencié rejetant le monde moderne non pour des raisons nihilistes, mais car il ne correspond pas à l’idéal du nouvel ordre sacré. Bien sûr, cette étape est temporaire, l’anarchiste de droite d’Evola et l’Anarque de Jünger sont toujours prêts à saisir l’opportunité de construire le nouvel Empire.

Des similitudes structurelles entre le Black Metal et la Révolution conservatrice sont également évidentes, Armin Mohler, qui a publié une monographie « La Révolution conservatrice en Allemagne, 1918-1932 » ayant débuté la tradition de recherche académique sur la mouvement révolutionnaire-conservateur, a distingué cinq tendances principales en son sein, dont trois furent remarquables : les Jeunes-Conservateurs (Moeller van den Bruck, Edgar Jung, Oswald Spengler), les Nationaux-Révolutionnaires (Ernst Jünger, Ernst Niekisch, Hans Freyer) et le mouvement Volkish, qui eu le plus grand impact sur le National-Socialisme (la célèbre doctrine du Sang et du Sol). Respectivement, les Jeunes-Conservateurs développèrent principalement des modèles d’impérialisme organique ; les Nationaux-Révolutionnaires furent en d’excellents termes avec les forces destructrices de la civilisation industrielle et les Völkischen ressemblent au Pagan Front contemporain.

Alex Kurtagic, dans son examen détaillé des réminiscences révolutionnaires-conservatrices dans le mouvement Back Metal, a mis notamment l’accent sur les idées völkish,10 ce qui est justifié. Mais en même temps, je dirais que celui qui fut plus représentatif de la Révolution Conservatrice ne fut pas le Volkish mais plutôt le mouvement National-Révolutionnaire. Ses membres, Ernst Jünger en particulier, ont discouru sur le principal sens métaphysique de la Révolution Conservatrice, qui est l’unité de la liberté et la nécessité présupposée par le concept de volontarisme allemand, de la manière la plus exacte et détaillée. Cette perspective métaphysique correspond avec la tendance gnostique anti-cosmique du mouvement Black Metal, aussi connue pour son strict dualisme entre la volonté divine de chacun et tout le reste (La mort contre la mort) et ne recherche pas le sacré à l’intérieur des limites de ce monde. Une célèbre description de la métaphysique National-Socialiste par Hendrik Möbus du groupe de NSBM allemand Absurd (« la synthèse la plus parfaite de la volonté de puissance luciférienne ainsi que de la symbolique et de principes néo-païens) serait aussi pertinente dans ce contexte, bien qu’il soit plutôt associé au Pagan Front. À ce propos, son interview avec « Velesova Sloboda »11 est le plus intéressant et professionnel des échanges à propos des sujets habituels de la Révolution Conservatrice offert par un musicien de Black Metal que je n’ai ai jamais lu.

Pour conclure, je voudrais citer les mots d’ Erik Danielsson, de Watain, à propos de l’essence révolutionnaire de l’art véritable et la nécessité d’aller toujours « de plus en plus profond » en explorant les horizons du genre : « Si vous voler faire quelque chose de véritablement novateur dans quelque chose d’aussi lugubre que le Black Metal – si vous voulez contacter les énergies sombres qui existent au-delà de ce monde, vous ne pouvez pas n’avoir qu’un simple intérêt pour le Black Metal. Une passion pour un genre musicale ne suffit pas pour changer le cours de l’histoire musicale ou l’histoire du monde. Pour moi, il n’est pas étrange qu’il n’y ait pas plus de groupes comme nous, car les individus de ce type sont très rares. Si vous avez une source d’énergie exceptionnelle qui coule à l’intérieur de vous, vous finissez soit en prison, soit à partager un post élever avec un politicien, soit à faire ce que nous faisons. »12

Il est difficile d’être en désaccord et d’ignorer les similitudes avec les aspirations des membres du mouvement révolutionnaire-conservateur les plus dévoués et brillants. Après tout, les recherches académiques de Mohler n’était rien d’autre qu’une manière de rassembler sous un autre nom le nouveau front extrême dans l’Europe de l’après-guerre, après avoir déconsidéré le projet National Socialiste et d’autres mouvements dangereux pour le Système, ce qui inclut le Black Metal dans ses expressions les plus pures. Serait-il surprenant qu’un jour les représentant de ces voies métahistoriques et contre-culturelles joignent leur force en tant que « concurrents dans le grand jeu »13 ?

Olena Semenyaka

Semenyaka E. When the gods hear the call: the conservative-revolutionary potential of Black Metal Art / Elena Semenyaka // Black Metal: European roots & musical extremities. — London: Black Front Press, 2012. — P. 19—35.


[1] En français dans le texte

4

Benjamin Noys, “Remain True to the Earth!”: Remarks on the Politics of Black Metal, Hideous Gnosis: Black Metal Theory Symposium I; Edited by Nicola Masciandaro (Charleston: CreateSpace, 2010), p. 105-128.

5

Nathan T. Birk, Interview with La Sale Famine of Peste Noire, Zero Tolerance. EN / FR

6

Ibid

7

Friedrich Nietzsche, La volonté de puissance : essai d’une transmutation de toutes les valeurs, Société du Mercure de France, Paris, 1903, p. 26

8

Julius Evola, Révolte contre le monde moderne, L’âge d’Homme, Lausanne,1991

9

Ernst Jünger, Sur la douleur, in Essais, Le livre de Poche, Paris, 2019

13

Ibid.

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