Quel nationalisme pour quels arabes ?

Dans l’entre-deux guerres, trois jeunes arabes font un séjour en Occident. Ils en reviennent transformés et se lancent en politique. Ils ont un point commun : ils sont chrétiens donc minoritaires sur leur terre et cela à une conséquence idéologique. En effet, auraient-ils été musulmans, ils auraient fait référence au mythe de l’ummat islamiyya, la nation islamique qui devraient regrouper tous les mahométans du monde ; chrétiens ils choisissent l’option nationaliste laïque qui protège leur identité mais ils divergent sur sa manifestation.

Pierre Gemayel, un nationalisme confessionnel

Fils d’une vieille famille maronite, Pierre Gemayel participe aux jeux olympiques d’été de 1936 à Berlin. Il y admire la formidable organisation du Parti national-socialiste et son efficacité, et, à son retour au Liban, il fonde le parti Kataeb (Phalange) et l’organise selon une structure similaire.

Bien que se voulant nationaliste libanais, et participant à ce titre à la lutte pour l’indépendance du Liban, la Phalange est avant tout un des partis de la droite chrétienne maronite, ce qui explique que son influence soit géographiquement limitée à certaines régions du Liban et nulle au dehors de ce pays.

Antoun Saade, un nationalisme grand-syrien

À la fin de ses études, le jeune Antoun Saade émigre aux États-Unis puis au Brésil. C’est durant cet exil que, bien que Libanais, il devient un nationaliste syrien partisan de la recréation d’une grande nation, dont il date l’origine à l’époque assyro-babylonienne, rassemblant Liban, Palestine, Jordanie, Syrie, Chypre, Irak et sud de la Turquie. Une nation ne se définit pas pour lui par la pratique d’une langue ou d’une religion mais par la rencontre d’un peuple et d’une géographie particulière. Rentré au Liban, Saade crée, en 1932, le Parti social-nationaliste syrien qui ne cache pas ses sympathies pour le IIIe Reich. Saade est condamné à mort et exécuté en juillet 1949 après une tentative de coup d’État ; quant au PSNS, il connait, à partir de cette date, au Liban et en Syrie, des périodes de clandestinité et d’autre électorales.

Michel Aflak, un nationalisme grand-arabe

Étudiant à la Sorbonne en 1928, le Syrien Michel Aflak s’y passionne pour l’histoire des idées politiques. Il s’intéresse tout particulièrement à Proudhon, Marx, Lénine, Nietzsche, Sorel et … Maurras ! De retour en Syrie, il fonde plusieurs organisations nationalistes, soutient, en 1941, le putschiste irakien pro-Allemands Rachid Ali al Gaylani et, en 1943, fonde le Parti de la renaissance arabe (Baas) partisans de l’unification de tous les pays habités par des Arabes. Celui-ci arrivera au pouvoir en Irak et en Syrie.

Et maintenant ?

Si la Phalange n’est qu’un parti libanais, si le Baas n’est plus au pouvoir qu’en Syrie, c’est le Parti social-nationaliste syrien qui est le mieux portant et le plus influent. Toujours actif au Liban, il a été toléré en Syrie, puis, en 2005, Bachar el-Assad l’a intégré dans le front des partis gouvernementaux. La guerre a fait que le nationalisme arabe n’est plus d’actualité en Syrie et que le nationalisme syrien le remplace, or la seule offre idéologique est celle du PSNS !

Christian Bouchet.

Article rédigé pour Réfléchir et agir en mars 2020.

 

Retour en haut