Rave et techno : un phénomène néo-européen ?

brave factory music festival 5

En 1995, dans son numéro 29, le journal nationaliste-révolutionnaire Lutte du Peuple s’interrogeait sur la nature des raves et de la techno. Même si ce texte peut sembler dater, il est intéressant à relire pour prendre en compte les réflexions de nos anciens.

Nouveau mouvement culturel de la jeunesse, la techno dépasse le champ musical. Avec les raves elle crée de grands rassemblements où l’on communie in­consciemment dans une sorte de néo-tribalisme renforcé par­fois par certains «marquages» corporels : tatouages, piercing, branding…) et de néo-spiritualité européenne. Certains militants NR – on en retrouve parmi les DJ – vont jusqu’à penser que l’on est là face aux contemporaines «cathédrales de lumière» et à la potentialité d’un avenir «immense et rouge »… Faire le point sur ce phénomène était pour nous essentiel.

Christian Böhm-Ermolli, né en 1965, était l’an passé le responsable d’une organisation de la jeunesse nationaliste à Vienne en Autriche. Il a été candidat aux élec­tions législatives cette même année. Il répond ci-dessous à quelques questions concernant les liens de la techno avec la politique.

Question : L’adjointe à la culture de la ville de Vienne, Ursula Pasterk, vous a dépeint comme un «techno-fasciste» et a affirmé que «la scène techno subissait actuellement une infiltration dangereuse venant de la mouvance nationaliste». Qu’en est-il réellement ?

Réponse : Le fait que je sois un nationaliste qui avec quelques amis participe à l’actuelle culture de la jeunesse a causé une panique importante dans les rangs de la gauche.

Q.: Est-ce tu estime que la techno et les raves participent à une culture particulière ?

R.: Tout à fait. Que tu ailles à Berlin, Frankfurt, Rotterdam ou Londres, tu y reconnais tout de suite les «techno-kids». La culture est unie dans une communauté de vie qui crée ses propres codes, sa nouveauté, ses particularisme, et à laquelle les membre sentent qu’ils appartiennent.

La techno leur a déjà donné une histoire propre qui ne sera pas oubliée et dans laquelle les DJ sont cités de manière permanente.

Q. : Une culture de masse internationale ?

R.: Non. La techno est la première culture de la jeunesse dans l’aire germanique depuis la seconde guerre mondiale, qui ne doive rien à l’Amérique, à la Grande-Bretagne ou à la culture noire. Pour la première fois l’Allemagne est de nouveau une nation d’où émane quelque chose de nouveau. Naturellement, cette musique à des «racines noires» dans le funk, le hip hop ou le Chicago-house. Mais elle a aussi des «racines blanches» : new wave, indus, groupes comme Laibach ou Kraftwerk.

Naturellement, l’Ecosse et l’Angleterre sont encore le centre de la techno et des raves. Mais cela n’amoindri pas le rôle de l’Allemagne, il y a plutôt une fertilisation réciproque.

Q.: Pasterk et quelques médias «alternatifs» autrichiens ont parlé d’une infiltration de la scène techno.

R.: C’est ridicule. La gauche et les journalistes-flics veulent semer le trouble dans le milieu techno. Aux élections de 1994, les sociales et les cléricaux ont tenté d’utiliser la techno dans un but politique. Naturellement cela a été un échec total. La rave des sociales était nulle musicalement, celle des cléricaux n’avait rien de politique. Les cadres du parti et les membres de son mouvement de jeunesse se tenaient perplexes sur les bords de la piste de danse, tandis que les ravers dansaient sans se préoccuper de savoir quel était le parti qui finançait la soirée. Quel message faire passer avec une musique sans texte ?

La techno est la musique du futur, et les raves sont un précieux paradigme, grâce auquel on peut lire l’avenir : les jeunes comme la société s’éloignent avant tout de la caste politicienne, ne veulent plus entendre parler d’elle, se sentent seulement trompés par celle-ci et cherchent leur voie dans des plai­sirs sans inhibition.

Q.: Quel est l’intérêt politique de la techno ?

R.: Dans une stratégie de parti la techno n’a aucun intérêt. Par contre c’est un élément primordial d’un tra­vail métapolitique.

Il ne faut absolument pas confondre ce qu’est la véritable techno avec ce que l’on passe sur les radios. Ainsi quand 100.000 jeunes se rassemblent à Berlin pour la «love parade», l’ensemble reste cependant élitaire. Il y a trop peu de ravers pour qu’ils puissent devenir un potentiel électoral. Ainsi l’accusation qu’un nationaliste -un seul !- veuille infiltrer la scène techno est-elle particulièrement dépourvue de sens. Dans ma circonscription électorale, à Vienne, vivent 90.000 personnes. Il n’y a pas autant de ravers dans toute l’Autriche. Ainsi dire que les raves sont politiques est loin d’être exact. Les ravers veulent une fête communautaire et surtout qu’on ne leur parle pas de politique.

Ce qui est par contre métapolitiquement intéressant c’est la rupture créée dans l’hégémonie de la culture de gauche. Contre le mouvement nationaliste en Autriche qui est la seule force politique qui n’y soit pas de gauche, il existe une tactique de marginalisation qui af­firme que nous sommes dépourvus de culture, petits bourgeois, démo­dés, partisans de l’immuable et in­compétents.

Tous les jeunes Autrichiens sont soumis à cette propagande des partis du gouvernement à la radio, à l’école, à l’université, dans les journaux…

En conséquence, cela fait désordre quand des jeunes qui ne sont pas de gauche ne correspondent pas à la définition qu’on en donne, non qu’ils «infiltrent» la culture la plus moderne de la jeunesse mais qu’ils en fassent réellement partie et y participent. Que cela devienne un phénomène d’une importance telle que même Mtv en parle, en voilà trop pour que la gauche puisse le supporter !

Elle voit son monopole sur l’art d’avant-garde battu en brèche. C’est tout cela que veut dire Pasterk quand elle parle de «dangereuses infiltrations».

Le danger n’existe pas pour la jeunesse, mais pour le monopole culturel de la gauche qui est en train de chanceler. Pasterk a reçu des critiques de personnes honnêtes de la scène techno. Le journal de gauche libérale Standart a publié un article du journaliste musical Richard Brem où celui-ci parle de techno et d’Ernst Junger et estime que les thèses de Pasterk sont absurdes. Le leader culturel des Falter a parlé d’une «ré-intellectuelisation de la droite».

Q.: Peut-on considérer alors la techno comme un phénomène «de droite» ?

R.: Non, en aucun cas. Plutôt un phénomène futuriste. Quand tu voyais les affiches de l’exposition techno Chromapark l’an passé, tu avais l’impression que c’était une expo sur Marinetti. Bien que les raves soient apolitiques, elles acquièrent parfois un caractère politique que tu ne peux lier à aucun mouvement, qu’il soit de droite ou de gauche.

Bien sur, il y a à Vienne, comme ailleurs, des DJ connus comme Pure ou LX qui se définissent plutôt comme des DJ de gauche. LX, par exemple est membre du Parti communiste. Il y a quelques temps, alors qu’il n’était pas encore une star et qu’il était inconnu dans les revues de techno, nous avons travaillé ensemble pour les Afterhours alors que nous connaissions nos différences idéologiques.

Mais je suis tranquille dès que l’on fera l’essai d’utiliser cette musique à des fins politiques, celle-ci cessera d’exister. Qu’un ministère finance une «rave contre la droite» comme celle qui s’est tenue récemment au Musée d’art moderne de Vienne avec les Falter est une absurdité impardonnable. Une culture qui se définit comme non politique ne peut pas être financée dans des buts partisans. Et les culottes courtes, les tenues semi-militaires et de combat, les sous-vêtements en toile de camouflage des filles, n’étaient dans ce cas pas un signe de radicalisme, mais devaient tout à la haute couture de Milan ou de Paris.

La Techno vu par un jeune NR français :

«Le contenu politique de la techno est inaliéna­ble, il favorise une dimi­nution du comporte­ment égomaniaque en offrant /’expérience de l’unité et de l’affinité avec les autres. Cette expérience annule l’idéologie libérale et in­dividualiste, et crée une véritable opposition po­litique» {in Courrier in­ternational, dossier Les nouvelles utopies).

La vague techno qui continue de déferler sur le sol européen ne peut laisser indifférente la jeunesse NR. Cette vague s’affirmant, dans sa droite ligne, en rupture totale avec le système bourgeois.

La techno, et tous les styles rattachés sont d’inspiration typiquement euro­péenne. La commu­nauté y prend une part considérable dans ce qu’elle permet et favo­rise l’épanouissement individuel. Les ravers sont des révoltés qui ont accepté de faire leur ré­volution personnelle avant de l’imposer au reste du monde; cette révolution est donc culturelle avant de devenir politique :«La suprême satisfaction ne vient pas d’une adhésion politi­que, mais du fait de ne pas voter et même de n’avoir absolument rien à voir avec le système » affirme un raver.

La contre-culture techno-rave est, tactiquement, d’autant plus intéressante qu’elle ne peut se réclamer d’une quelconque américanophilie vu le retard accumulé dans ce domaine par les sous-produits d’outre-Atlantique.

Notre leimotiv nous impose d’être présents (et majoritaires) au sein de tous les mouvements anti-système. La guérilla, c’est montrer à l’ennemi que nous pouvons être partout, à chaque instant. Si nous savons re­présenter chaque contre-culture, nous serons l’avant-garde combat­tante du peuple ! A nous de gonfler et de faire gonfler la vague techno, et de ne pas la laisser se détourner de ses principes fondateurs ou s’égarer sur des chemins post-soixantehuitards…

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