Disraeli et la race

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Benjamin Disraeli (1804-1881) était le petit-fils d’un marchand juif venu s’installer à Londres vers 1750. Son père Isaac Disraeli se convertit au protestantisme (anglican) en 1817 et fit également convertir ses enfants. Cependant, en 1833, Isaac publia un livre visant à défendre le judaïsme, intitulé The genius of Judaism. La même année, son fils Benjamin écrivit un roman, Alroy, où il exprimait le vieux rêve du rétablissement d’un Etat juif en Palestine (suite à son voyage dans ce pays en 1831).

Après avoir mené pendant quelques années une vie de dandy et spéculé à la Bourse, Benjamin Disraeli se lança dans la carrière politique et devint député aux Communes en 1837. Il devint leader du parti tory (= conservateur) en 1848, puis Premier Ministre une première fois en 1868, et à nouveau entre 1874 et 1880. Il développa une politique impérialiste, faisant proclamer la reine Victoria Impératrice des Indes en 1876, et s’opposant à la Russie lors de la guerre russo-turque en 1877-78 (obtenant au passage la cession de Chypre).

Dostoïevski détestait Disraeli et l’appelait la « Tarentule », qui avait frustré la Russie de sa victoire par le traité de Berlin (1878). Disraeli et les groupes de pressions juifs (dont l’Alliance israélite universelle) imposèrent une clause selon laquelle la Turquie et les pays balkaniques s’engageaient à accorder l’égalité des droits aux Juifs.

L’auteur italien Julius Evola écrivit :

« Disraeli n’hésita pas à trahir tout d’abord l’ancienne cause de la solidarité européenne en plaçant la Turquie sous protection anglaise. La Turquie, vaincue, est sauvée par l’Angleterre : par la méthode ‘anglaise’ bien connue des menaces et des sanctions, Disraeli réussit à paralyser l’avance slave vers le Sud, sans qu’un seul coup de fusil soit tiré, et la Turquie lui fait même cadeau de Chypre. Au congrès de Berlin, l’ambassadeur russe Gortchakov ne peut pas s’empêcher de s’écrier douloureusement : ‘Avoir sacrifié cent mille soldats et cent millions pour rien !’ »
(Julius Evola, article « Le Juif Disraeli et la construction de l’empire des marchands », septembre 1940)

Benjamin Disraeli était obsédé par la « mission » des Juifs et par leur « supériorité raciale ». Il développa ces idées dans sa trilogie de romans : Coningsby (1844), Sybil (1845) et Tancred (1847), affirmant la pureté de la race juive et son rôle prédestiné d’« aristocratie » du monde moderne. A noter que comme quelques autres auteurs de l’époque, il classait les Sémites dans la « race caucasique » (c’est-à-dire « aryenne », ou « indo-européenne »), une idée en rapport avec la montée du « British Israelism », un phénomène très important et trop peu connu (et un mouvement qui existe encore aujourd’hui).

« La race est tout, et toute race court à sa ruine qui se montre insouciante de préserver son sang des mélanges. (…) Le fait est que vous ne pouvez pas détruire une race pure d’organisation caucasienne [sic]. C’est un fait physiologique (…). En ce moment, malgré des siècles et des dizaines de siècles de dégradation, l’esprit juif exerce une vaste influence sur les affaires européennes, je ne parle pas de leurs lois, auxquelles vous obéissez encore, ni de leur littérature dont sont saturés vos esprits, mais de l’intellect hébraïque vivant. Il n’y a pas de grand mouvement intellectuel en Europe auxquels les Juifs ne prennent pas une grande part. Les premiers Jésuites furent des Juifs ; la mystérieuse diplomatie russe qui trouble tellement l’Europe continentale est principalement conduite par les Juifs ; cette révolution puissante, qui se prépare en ce moment en Allemagne, et qui si peu connue en Angleterre, deviendra une seconde et plus vaste Réforme, se développe en son entier sous les auspices des Juifs, qui monopolisent presque les chaires professorales d’Allemagne… »
(Coningsby, 1844)

« L’homme ne peut manquer d’échouer quand il tente de violer l’immuable loi naturelle, qui veut qu’une race supérieure ne soit jamais détruite ou absorbée par une race inférieure. »
(dans les Archives israélites)

Disraeli avait aussi la manie d’annexer au judaïsme toute une série de personnages historiques, incluant Kant, Mozart et Napoléon (!), un peu comme les antisémites modernes qui voient des Juifs partout.

Il ironisait sur les Francs et autres Nordiques, « horde de pirates baltiques » qui avait eu la chance d’être éclairée par la « spiritualité des Sémites ».

En 1847, dans un discours provocateur, avec une « houtzpah » (culot) typiquement juive, Disraeli exigea l’admission des Juifs à la Chambre des Communes, à titre de privilège dû au « peuple élu », fondateur de la foi chrétienne :

« Chaque jour sacré, vous proclamez en public les exploits des héros juifs, les preuves de la ferveur juive, les brillantes annales de la splendeur juive passée. L’Eglise a édifié dans tous les pays des bâtiments consacrés au culte, et sur chaque autel, nous trouvons les tables de la loi juive. Le dimanche, lorsque vous voulez rendre grâce au Tout-Puissant, ou lorsque vous cherchez une consolation dans la détresse, vous trouvez l’un et l’autre dans les strophes des poètes juifs… Tous les premiers chrétiens furent des juifs. La religion chrétienne fut d’abord prêchée par des hommes qui avaient été juifs, avant de se convertir ; au premier âge de l’Eglise, chacun des hommes dont le zèle, la puissance ou le génie propagèrent la foi chrétienne fut un Juif. (…) Où est votre christianisme si vous ne croyez pas en leur judaïsme ? (…) C’est dans la mesure même de l’ardeur de votre foi que vous devez chercher à rendre cet acte de justice. Si vous n’aviez pas oublié ce que vous devez à ce peuple, si vous lui étiez reconnaissants pour ses écrits, qui à travers les siècles ont apporté tant de consolations et tant d’édifications aux fils des hommes, vous ne seriez que trop heureux de satisfaire à la première occasion les demandes de ceux qui professent cette religion. Mais vous restez influencés par les obscures superstitions, qui datent des siècles les plus obscurs de l’histoire de ce pays. C’est cette vérité qui ne s’est pas faite jour, au cours de ce débat, et, tout éclairés que vous soyez, elle ne s’est pas faite jour en vous-mêmes. Ces superstitions, elles continuent à vous influencer, à votre insu, tout comme elles influencent d’autres hommes, dans d’autres pays… »

Dans autre livre (une biographie politique, et non plus un roman), il ajoutait :

« Le monde a découvert en ce temps qu’il est impossible de détruire les Juifs. On a tenté de les extirper sous les auspices les plus favorables et à l’échelle la plus vaste ; les moyens les plus considérables que l’homme pouvait utiliser ont été opiniâtrement appliqués à cet objet pendant les plus longues périodes (…). Après tous ces ravages, les Juifs sont probablement plus nombreux aujourd’hui qu’ils l’étaient sous le règne de Salomon le sage, et se trouvent dans tous les pays, prospérant malencontreusement dans la plupart. Tout cela prouve qu’il est vain pour l’homme de tenter de déjouer l’inexorable loi de la nature qui a décrété qu’une race supérieure ne pourrait jamais être détruite ou absorbée par une inférieure. (…) La race juive relie les populations modernes avec les premiers âges du monde, quand les relations du Créateur avec la créature étaient plus intimes que de nos jours, quand les anges visitaient la terre, et que Dieu lui-même parlait à l’homme. Les Juifs représentent le principe sémitique, tout ce qui est spirituel dans notre nature. Ils sont les gardiens de la tradition, et les conservateurs de la religion. Ils sont la preuve vivante la plus frappante de la fausseté de cette pernicieuse doctrine des temps modernes, l’égalité naturelle des hommes. L’égalité politique d’une race particulière est une question d’arrangement municipal et dépend entièrement de considérations politiques et des circonstances ; mais l’égalité naturelle des hommes actuellement en vogue, et prenant la forme d’une fraternité cosmopolite, est un principe qui, s’il était possible de le réaliser, détériorerait les grandes races, et détruirait tous les génies du monde. (…) La tendance innée de la race juive, qui est justement fière de son sang, est opposée à la doctrine de l’égalité des hommes. Les Juifs ont aussi une autre caractéristique, la faculté d’acquisition. Quoique les lois européennes aient tenté de les empêcher d’obtenir des propriétés, ils sont néanmoins devenus remarquables par leurs richesses accumulées. Ainsi, on peut voir que toutes les tendances de la race juive sont conservatrices. Leur inclination est à la religion, la propriété et l’aristocratie naturelle : et ce serait l’intérêt des hommes d’Etat d’encourager cette inclination d’une grande race, son énergie et son pouvoir créateur, pour la cause de la société existante. »
(Lord George Bentinck: A Political Biography, 1852)

André Pichot, auteur du livre Aux origines des théories raciales. De la Bible à Darwin (Flammarion, 2008), remarque :

« …à l’en croire, les juifs seraient les intermédiaires entre Dieu et les hommes, et les non-juifs passeraient leur temps à vouloir les exterminer. (…) A la lecture de ce texte de Disraeli, on serait tenté de dire que ce n’est pas l’antisémitisme qui a été ‘racialisé’, mais d’abord la thèse d’une supériorité juive, et que l’antisémitisme n’a eu qu’à suivre ce modèle. Et on comprend mal pourquoi on est allé chercher l’obscur journaliste W. Marr pour en faire l’inventeur de la racialisation de l’antisémitisme, alors qu’en matière de race juive on avait sous la main ce texte célèbre d’un des plus importants politiciens du XIXe siècle. »

Dans un autre passage du même livre en 1852, Disraeli écrit :

« Les relations qui subsistent entre la race bédouine que l’on rencontre sous le nom de Juifs dans tous les pays d’Europe, et les races teutonnes, slaves et celtes qui se sont approprié [sic !] cette région du globe, constituent un des plus remarquables chapitres de l’histoire philosophique de l’Homme. Le Saxon, le Slave et le Celte ont adopté la plupart des lois et beaucoup de coutumes de ces tribus arabes, toute leur littérature et toute leur religion. Ils leur doivent beaucoup de ce qui régit, charme et réconforte leur existence. La multitude des travailleurs se repose chaque septième jour en vertu d’une loi juive ; ils lisent constamment, pour leur exemplarité, les textes de l’histoire juive, et chantent les odes et élégies des poètes juifs ; et ils reconnaissent quotidiennement, à genoux, avec une gratitude pleine de révérence, que le seul moyen de communication entre le Créateur et eux-mêmes est la race juive. »

Dans un autre roman, publié l’année avant sa mort, Disraeli revenait sur le sujet de la race :

« Ni la langue, ni la religion ne font une race, une seule chose fait une race, et c’est le Sang. Les peuples ne conservent leur vigueur, leur moralité, leur aptitude aux grandes choses qu’à la condition de garder leur sang pur de tout mélange. S’ils laissent un sang étranger se mêler au leur, les vertus qui constituaient leur originalité et leur force disparaissent bientôt ; ils s’abâtardissent, dégénèrent, descendent de leur rang pour n’y plus remonter. La véritable puissance réside dans la noblesse de l’âme, et l’âme s’abaisse en même temps que le sang se corrompt. (…) La race est la clé de l’Histoire. Si l’Histoire est si souvent confuse, c’est parce qu’elle a été écrite par des hommes qui ignorent ce principe et tout ce qu’il renferme. »
(Endymion, 1880)

Parlant de Disraeli, l’Ecossais Carlyle (1795-1881) s’indignait de ses « jacasseries juives », le traitait de « maudit vieux Juif, qui ne vaut pas son pesant de lard froid », et demandait « combien de temps John Bull permettrait à cet absurde singe de danser sur son ventre ? ».

Par contre, plus tard, l’auteur racialiste Houston S. Chamberlain fera l’éloge de Disraeli :

« …laissons-nous instruire par Disraeli, qui proclame que toute la signification du judaïsme réside dans la pureté de la race, et qu’elle seule lui assure force et consistance et que, comme il a survécu aux peuples de l’antiquité, il survivra aussi, grâce à cette connaissance de cette loi de la nature, aux groupes ethniques du présent, qui se mélangent sans mesure et sans méthode. » (La Genèse du XIXe siècle, 1899)

Hannah Arendt, qui qualifiait Disraeli de « fanatique de la race », écrivit :

« La conception disraélienne du rôle des Juifs dans la politique date du temps où il n’était qu’un écrivain et où sa carrière politique n’avait pas encore commencé. (…) Dans son premier roman Alroy (1833), Disraeli traçait le plan d’un empire juif, dans lequel les Juifs seraient la classe gouvernante, strictement séparée. (…) Dans son nouveau roman Coningsby, il renonçait au rêve d’un empire juif et décrivait une machination fantastique dans laquelle l’argent juif fait et défait palais et empires et tire les fils de la diplomatie. Il ne renonça jamais à cette seconde idée d’une influence mystérieuse et secrète, exercée par l’élite de la race élue, qui remplaça chez lui le premier rêve d’une mystérieuse caste dominante existant officiellement. Cette idée devint le cœur de sa philosophie politique. »
(Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme)

On pense que Disraeli eut une certaine influence sur Gobineau, et ses écrits furent aussi largement cités par Drumont et Gougenot des Mousseaux (auteurs catholiques antijuifs).
Enfin, Disraeli aurait aussi eu une influence sur le juriste allemand Carl Schmitt, voir le livre de Nicolaus Sombart, Chronique d’une jeunesse berlinoise (1992).

André Pichot conclut irrévérencieusement :

« En 1900, Matthieu Golovinski n’aura pas grand-chose à inventer pour rédiger les Protocoles des Sages de Sion. On sait que, pour la forme, il s’est inspiré du pamphlet de Maurice Joly contre Napoléon III, Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu (1864), et de l’existence des congrès sionistes (le premier a eu lieu à Bâle en 1897). Quant au fond, il a très bien pu le trouver chez Disraeli dont les ouvrages étaient alors très répandus… »
(opus cité)

Disraeli aurait-il pu inspirer (involontairement) le célèbre texte antisémite : Les Protocoles des Sages de Sion ? Une nouvelle histoire de l’arroseur arrosé ?

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