Entretien avec Thierry Biaggi, nationaliste corse et européen.
Des événements récents – descentes populaires dans des cités peuplées d’allogènes et pulvérisation de résidences secondaires – ont pu donner l’impression qu’une résistance aux immigrés qu’ils soient originaires d’Afrique ou d’Europe s’organisait en Corse. Qu’en est-il ?
La résistance des Corses à leur marginalisation sur leur terre s’opère sous des modes divers correspondant aux diverses formes de colonisation de peuplement. Contre les délinquants allogènes extra-européens, elle est spontanée, relevant des « défenses immunitaires naturelles » de notre peuple, Elle déborde les structures politiques. Les actions contre les résidences secondaires s’inscrivent dans un schéma plus classique de la lutte nationale.
Les partis nationalistes refusent de lier les deux aspects de la question. Seuls les français sont considérés comme des colons, selon une logique tiers-mondiste aujourd’hui remise en question, voire inversée par le courant identitaire. Celui-ci distingue, naturellement, européens et non-européens.
Qu’ils soient européens ou non, les milliers d’allogènes qui s’installent en Corse chaque année le font sous la protection du régime jacobin et mondialiste de Paris. Au sein du peuple corse, l’unité nationale doit donc prévaloir sur les divisions idéologiques. Ce fut le cas lors du mouvement insurrectionnel consécutif à l’exécution d’Yvan Colonna en mars 2022.
Quelle est la situation de la mouvance défendant l’identité corse ?
Les défenseurs de l’identité corse n’ont pas tous la même conception de cette identité.
Globalement, les politiciens professionnels, les porte-voix médiatiques sont partisans de la « communauté de destin », c’est à dire de la version locale du droit du sol républicain français. Une fraction du « natio-mondialisme » regroupée autour du clan Simeoni a basculé dans les délires sociétaux de la gauche américaine au pouvoir à Paris, en partie par tactique ( les clans au pouvoir en Corse s’alignent toujours sur Paris pour des raisons financières ), mais aussi parfois par conviction. Au parlement européen, le représentant de ce courant siège au sein du groupe Europe Ecologie, la structure atlantiste créée par le très glauque Cohn-Bendit,
Depuis des décennies le courant indépendantiste est travaillé par des courants gauchisants, trotskistes ou issus du PSU, parfois liés à des officines droit de l’hommistes financées par Paris.
La base électorale, sympathisante et militante est plus conservatrice et réaliste. Le corse est anthropologiquement de « droite des valeurs », même lorsqu’il est de gauche.
Il y a presque vingt ans, les Clandestini corsi avaient tenté d’organiser un mouvement clandestin anti-immigration. Autant que l’on se souvienne, ils n’avaient pas été soutenus par les « nationalistes officiels » et ils avaient été lourdement condamnés par l’État français. Est-ce qu’ils avaient pris les armes trop tôt ?
Si les Clandestini Corsi ne furent pas soutenus par des nationalistes officiels avides de reconnaissance par Paris, ils le furent par de nombreux corses et aussi par …Jean Marie Le Pen et son directeur de cabinet de l’époque, Olivier Martinelli. Celui-ci initiera la ligne «Fiamma corsa », visant à impulser une ligne plus identitaire au FN insulaire. L’activisme des C.C. était brouillon, infantile et dépolitisé. Mais il marqua les esprits et suscita des débats au sein du courant national.
Nous avions vu se développer une structure du nom de Leia naziunale devenue Forza Nova. Qu’est-elle devenue ?
Leia Naziunale ( le lien national ) fut créé en 2016, par un noyau militant engagé dans un combat métapolitique visant à s’opposer aux dérives gauchisantes du nationalisme institutionnel. Sur le terrain et sur la toile, LN s’affirma comme une avant-garde doctrinale, tentant d’inscrire le nationalisme corse dans le contexte d’une lutte globale contre le mondialisme. Ses axes principaux furent le refus de la « communauté de destin » au profit du principe de « peuple corse peuple européen ». Le concept I Nostri (les nôtres) comme sujet politique et « Corsica terra Cristiana » (Corse terre chrétienne) comme principe civilisationnel furent défendus et dans une certaine mesure, imposés dans le débat public,
Enfin, Leia Naziunale développa une modeste activité internationale dans une optique eurasiste, pro-russe, anti-occidentale. La Corse ayant le triste privilège d’abriter sur son sol une base aérienne militaire utilisée par l’OTAN.
Estimant son travail accompli et en raison de divergences stratégiques internes, LN s’autodissout en 2021. Certains de ses membres participeront à la démarche électorale Forza Nova pour les municipales de Bastia en 2020 et les territoriales de 2021. Forza Nova ( autonomiste de droite rassemblant aussi des anciens du FN ) n’obtint que des scores modestes mais les campagnes électorales ont permis de populariser nos thèmes.
On a vu récemment apparaître un mouvement du nom de Palatinu qui semble très identitaire et très pro-israélien et, peut-être à cause de cela, qui a renié le mouvement corse de la première moitié du XXe siècle en commémorant récemment la « libération » de l’île par les FFI/FTP. Pouvez-vous nous en dire plus a ce sujet ?
Précisons tout d’abord qu’il n’y a aucune « filiation » entre les démarches pré-citées et Palatinu.
A l’origine de Palatinu, il y a Nicolas Battini, jeune militant nationaliste de gauche passé à droite en prison, au contact des réalités de l’immigration. Palatinu en entrepris à son tour un travail métapolitique de « dégauchissement » du nationalisme corse couronné d’un certain succès. Mais contrairement à LN qui se voulait exclusivement européen et traditionnaliste-révolutionnaire, Palatinu se situe dans un courant occidentaliste néo-conservateur dans l’air du temps, ce qui lui ouvre les portes des médias de la « droite hors les murs » en France et des perspectives électorales, mais aussi sans doute, sera source de désillusions.
De même, à la suite de la quasi-totalité du nationalisme contemporain, Palatinu reprend à son compte tout le récit autorisé la Seconde Guerre Mondiale et de la résistance (pro-française), alors que les nationalistes corses de l’époque s’étaient majoritairement engagés aux côtés de l’axe Rome-Berlin.
Un mouvement à vocation électoraliste ne peut guère faire autrement, un consensus général sur ces questions s’étant imposé dans la population. Palatinu ne veut pas laisser aux communistes le monopole de la rente mémorielle,
Paradoxalement Palatinu se réclame aussi de ce premier nationalisme corse… jusqu’en 1938 !
Mais dans un nationalisme ethnique bien compris et tourné vers le futur, ces considérations historiques demeurent secondaires, périphériques.
Emmanuel Macron semble proposer un nouveau statut pour la Corse. Qu’en pensez-vous ?
L’actuel processus de discussion prétendument historique intervient à la suite du mouvement insurrectionnel de mars 2022. Auparavant, l’action politique de la majorité territoriale nationaliste issue des urnes après la fin de la clandestinité armée décrétée par le FLNC en 2014 s’était heurté à un mur, essentiellement érigé par l’administration préfectorale et les milieux ultra-jacobins français.
Indéniablement, Paris a reculé face à l’usage de la force par le peuple corse. Et, sans doute, une certaine autonomisation administrative de l’île s’inscrit dans l’agenda de l’UE. Mais l’essentiel manque : la reconnaissance du peuple corse et donc des droits de ce peuple. L’on se heurte là aux « lignes rouges » de Paris mais aussi au noyau dur, doctrinal, politique, de la question corse. Par essence, un régime mondialiste ne reconnaît aux peuples autochtones européens aucun droit à l’existence, aucune possibilité de maîtriser leur destin. C’est valable pour les Corses, mais aussi pour les Français.
C’est pourquoi la question corse s’inscrit dans un rapport de force global entre populistes et mondialistes, celui de la lutte des peuples contre le « Système à tuer les peuples »,
La lutte continue,