Voilà vingt-six ans, disparaissait notre camarade François Duprat, lâchement assassiné alors qu’il commençait à donner au Front national une impulsion militante dynamique et révolutionnaire qui faisait de l’ombre aux conservateurs droitiers de l’entourage de Jean-Marie Le Pen.
Je faisais partie, à cette époque, du Comité central du FN, en compagnie de mes camarades Pierre Bousquet et Pierre Pauty et, tout particulièrement en 1978, j’assurais la permanence régulière de la rue de Surène, dans l’immeuble du FN avec Alain Renaud, ami personnel du couple Duprat et, à l’époque, secrétaire-général du mouvement.
C’est dire que je me suis trouvé mêlé aux circonstances de cette tragédie puisque quelques temps après l’attentat survenu sur une route de Normandie, j’allais à Rouen avec mon épouse apporter un peu de réconfort à la compagne de François qui lui avait, certes, survécu mais sortait de cet horrible drame profondément mutilée. Je me souviens d’autant plus de toutes les péripéties qui précédèrent le drame que, pour la première fois, je représentais le Front national, en mars 1978, à une élection législative, avec mes camarades de l’équipe nationaliste de Militant.
Notre revue avait, depuis plusieurs mois, sa liberté d’action en dehors du Front national dont elle avait été l’organe officiel et les camarades qui, comme moi, se présentaient sous l’étiquette lepéniste avaient néanmoins payé leur campagne de leurs propres deniers. Nous étions encore au Front national mais mentalement nous étions déjà ailleurs.
Je vais donc, aujourd’hui, vous exprimer mon sentiment personnel devant cette tombe, sentiment qui m’étreignait à l’époque au moment des funérailles.
Jean-Marie Le Pen avait été profondément affecté par ce drame, d’autant plus que, quelques années auparavant, il avait failli sauter dans l’appartement qu’il habitait avec sa famille, villa Poirier à Paris.
Il s’était bien conduit dès l’annonce de l’assassinat et ce fut lui-même qui prit soin des obsèques puis de l’inhumation. Mais il régnait alors une atmosphère trouble dans l’entourage du président du Front national, une sorte de gêne qui m’apparut dans le comportement de certains, comme la manifestation d’un lâche soulagement. La disparition de François Duprat n’était pas un deuil pour tous car il faisait de l’ombre, une ombre encombrante.
Il faut ajouter à cela qu’au dernier congrès du Front national tenu à Bagnolet, Duprat avait tenu la vedette et il s’était établi, ce jour là, une contestation évidente entre les nationalistes plutôt révolutionnaires et les nationaux droitiers plutôt conservateurs.
Je ne dis pas que l’assassinat de François fut l’œuvre du FN, et encore moins celle de son chef, les auteurs de l’attentat, il ne fallait pas les chercher bien loin dans les officines du pouvoir en place, policières et maffieuses à la fois, autant qu’auxiliaires des cellules apatrides.
De toutes manières, François faisait de l’ombre à beaucoup de gens, y compris à certains conseillers de Jean-Marie Le Pen qui ne pouvaient pas « encadrer Duprat » et tenaient les nationalistes pour des gens encombrants.
Pierre Bousquet et moi-même, avions appartenu aux troupes combattantes sur le front de l’Est face au bolchevisme ; c’était évidemment intolérable, bien que la Serp, maison d’édition de disques appartenant à Le Pen, gagna parfaitement sa vie en éditant main disques « subversifs ».
A cela, j’ajouterai qu’en juin 1978, j’échappais de justesse à l’explosion d’une bombe incendiaire sur le palier de l’immeuble de la permanence FN, rue de Surène. Elle ne m’était pas particulièrement adressée, mais l’on savait néanmoins que j’étais souvent seul le matin sur les lieux.
Tout cela pour vous dire qu’aujourd’hui, vingt-six ans après les faits, je constate tout simplement que le Front national n’a plus connu de drame semblable dans l’entourage de son président.
Le Front national, quoiqu’on en dise ou quoiqu’on en pense, est resté depuis 1978, un mouvement protestataire et non contestataire. Le régime prétend que le FN est « fasciste » parce que cela l’arrange mais il n’en croit rien. Il le tolère car il lui sert de repoussoir. Duprat savait cela. Duprat en a subi les conséquences.
Pour le régime ? Le Pen : oui, Duprat : non !
Voilà pourquoi nous avons perdu notre camarade et depuis lors, tout comme sœur Anne dans sa tour, nous attendons le « grand jour » nationaliste.
C’est l’espoir qui nous fait toujours vivre.
Voilà pourquoi nous sommes une poignée à témoigner encore aujourd’hui sur cette tombe « parce que tout se paye et que cet assassinat se paiera un jour ».
C’est une certitude, ne soyons donc pas lâches et n’oublions jamais quel est notre devoir.
Jean Castrillo,
Intervention au cimetière Montmartre le 21 mars 2004.